Voici ma 2ème participation à l’atelier « Les Jolies Plumes » dont le thème était, ce mois-ci, la description d’un moment de la vie de notre personnage au moyen de sens et du ressenti. Le texte décrit une crise d'épilepsie (/maladie que j'ai) et plus particulièrement le réveil d'après-crise. J'espère qu'il vous plaira et qu'il saura rendre la désorientation que l'on vit au "retour" d'une crise...Si d'aventure vous êtes atteint de ce mal ou que vous connaissez quelqu'un qui l'est, j'apprécierai volontiers un feedback : est-ce que vous (ou votre connaissance) ressent ce genre de choses oui ou non et si non quel genre de sentiments ? Merci d'avance !
Et si vous souhaitez participer à l’atelier, n’hésitez pas à écrire un mail à latelierdesjoliesplumes@gmail.com.
Petit à petit, il ouvre les yeux sans comprendre tout à fait ni où il est, ni qui il est. Rien. Un cerveau qui essaye désespérément de se reconnecter mais qui plante encore et encore. C’est comme si le disque dur cherchait désespérément à relancer le programme, sans y arriver. Et puis il y a cette impression que la tête va éclater, cette impression d’avoir un concert de batteries dans la tête, un immense solo à la Whiplash dans la tronche, tout ça amplifié par un bon milliers d’échos à la manière de ceux qui cognent sur les parois rocailleuses. Il revient peu à peu à lui, mais tout ça pour sentir sa tête être matraquée de l’intérieur, de sentir son cœur battre dans ses tempes tout en ayant l’horrible impression d’être dans un carrousel qui n’arrêterait plus de tourner, qui irait encore et toujours plus vite à la manière de ces centrifugeuses que l’on fait subir aux astronautes.
Sauf que là il n’y avait eu aucune accélération. Plus aucun souvenir, rien : le noir. Une minute de sa vie envolée, volée, une minute durant laquelle il n’avait plus été qu’un corps entrain de danser la tarentelle sur le carrelage, un corps dont les yeux avaient eu si peur qu’ils s’étaient retournés pour ne pas voir ça, ou alors peut-être pour regarder à l’intérieur et voir ce qui clochait. Pendant une minute on l’avait privé de tout contrôle, pendant une minute il n’avait été rien, rien qu’un cadavre animé devant les yeux écarquillés et paniqués de ses proches.
Ces yeux justement, il commençait tout juste à les voir. Petit-à-petit au fur et à mesure que les siens daignaient reprendre du service. Le brouillard se dispersait gentiment, les pixels se réalignent progressivement entre deux turbulence sur l’écran, un éclair par-ci, un éclair par-là. De la neige, comme sur ces chaînes qui ne reçoivent aucun signal, ces points noirs et blancs qui bougent de droite à gauche, de haut en bas, qui tourbillonnent et qui rajoutent à ce vertige qui ne cesse pas. Ces yeux donc, il essaye de les fuir, il les sent braqués sur lui, à l’observer horrifiés comme s’il venait de commettre un meurtre devant eux ou alors comme s’il était le diable en personne. Ecarquillés, les pupilles dilatées au maximum pour ne rien rater de ce qui se passe, en alerte comme s’ils étaient menacés, tels des animaux en pleine savanes qui auraient vu quelques prédateurs s’approcher pour les déchiqueter.
Et tout se mélange : les échos, le vertige, le bourdonnement dans les oreilles, ce cœur qui n’arrête pas de tabasser dans sa tête, comme si lui aussi avait peur de ce corps qui reprend peu à peu connaissance, comme s’il cherchait par tous les moyens de s’échapper. Viennent encore les sueurs froides. Ca dégouline sur ses tempes et pourtant, et pourtant il a froid et il tremble, la chair de poule s’est répandue sur sa peau comme une avalanche que l’on déclenche involontairement.
Il se redresse, enfin il essaye. Position assise, histoire de ne pas aller trop vite car le concert n’est toujours pas fini et semble en fait s’amplifier au fur et à mesure, comme s’il fallait faire encore et encore plus de bruit, comme si le cerveau lui aussi manifestait sa peur de ce qui venait de se produire, comme s’il essayait de montrer qu’il était encore bel et bien vivant malgré ce black out. Et l’air, l’impression qu’on lui a tout enlevé, les poumons sont vides et s’emballent eux aussi à la recherche d’oxygène, son torse se lève et s’abaisse de manière totalement incontrôlée, à la manière d’un océan en pleine tempêtes : chaque vagues plus haute que la précédente.
Et ces regards qui restent fixés sur lui, qui le dévisagent comme s’il leur était possible d’effacer ce qui venait de se passer, de changer la réalité, de la remodeler rien qu’en le regardant.
Puis quelques mots arrivent à ses tympans. Une question, toujours la même, sort des paires de lèvres qui l’entourent, ces sons qui se veulent rassurants, qui se veulent doux mais qui trahissent une angoisse durement voilée. Elles ont l’effet d’une flèche, ces questions, plantées dans les oreilles, dans son cerveau, dans sa poitrine, dans son bide. Il tremble, il essaye de se contenir, ça fait mal, partout ça fait mal. Ses yeux se ferment, se crispent. Non rien ne doit sortir, rien, il faut que ça reste à l’intérieur, cette merde est à l’intérieur, toute la merde est à l’intérieur, c’est en lui que c’est pourri il faut surtout pas que ça ne sorte.
Pourtant impossible de se contrôler…encore. Même conscient il n’y arrive pas. Il enlace les bras les plus proches de lui, enfouit sa tête entrain d’exploser dans une poitrine et se laisse aller. Ses cordes vocales hurlent, sanglotent et sursautent dans sa gorge, traumatisées. Tout son corps se crispe au rythme de ses sanglots, ses doigts agrippent du tissu, de la peau au passage et se serrent à en devenir blanc comme du fer chauffé dans un fourneau. De ses yeux se déversent des torrents de haine, de culpabilité, de dégoût, de rage, d’impuissance et de colère. Ses tympans lui font mal, comme si on lui enfonçait des poinçons dans les oreilles. « C’est cette merde qui sort. » Pense-t-il, comme si deux yeux ne suffisaient pas à faire sortir son ras-le-bol face à cette « chose » qui lui pourrit la vie et qui – après l’avoir laissé tranquille juste le temps de se dire que tout va bien, qu’enfin il en était débarrassé – revient le kidnapper au vu et au su de tous. Mais c’est de son bide que tout vient, c’est de là que tout part. La bouteille de verre a pété, la tempête se déchaine enfin…peut-être lui fallait-il ça pour que tout ça sorte.
Et elle. Elle a beau lui dire que ce n’est rien, que ce n’est pas grave. Elle a beau le serrer fort de ses bras gigantesques de maman qui voudraient le protéger du monde entier, elle a beau retenir ses propres larmes devant le désarroi de son fils, rien n’y fait.
J'ai vraiment beaucoup beaucoup aimé ton texte. Le style, surtout : vif, percutant comme un coup de poing, et limite poétique tellement il déborde de métaphores (je suis une fan inconditionnelle des métaphores). C'est le combo parfait pour arriver à me faire ressentir quelque chose, alors autant te dire que ton texte m'a touchée, limite chamboulée.
Bref, honte à moi, je n'ai toujours pas écrit le mien ! (je sais pas quoi raconter qui soit pas trop violent, en fait. J'ai que des idées d'une extrême violence. Bref.)
Hâte de te lire encore !
Charly (http://charlyjolie.wordpress.com)