Je me souviens de chaque détails, de cette boutique Victorinox qui nous avait tous fait sourire, ce petit tea-room au milieu d'un village qui semblait désert, T. qui, comme à son habitude s'offrait quelques pâtisseries tout en pseudo-draguant J., L. qui s'était lancé dans une bataille de regard dantesque contre J. et M., G. qui se plaisait à nous raconter tout ce qu'il savait de l'Irlande tout en feuilletant un quotidien local et puis N. qui ne disait pas grand chose, un peu à l'écart comme toujours, mais qui souriait des bêtises des autres, comme à son habitude.
Et moi je m'étais mis à l'écart, j'étais sortit, je m'étais isolé. Et je m'étais assis sur ce rebord. Combien de temps cela a-t-il duré ? J'en sais trop rien quelques minutes ? Quelques heures ? Le temps ne suivait plus son cour normal, j'étais juste là, comme déconnecté.
Puis ils sont sortit, avec de grands éclats de rire. Sûrement G. qui venait d'en sortir une bien belle. Et là ils m'ont vu, le regard vide. "Was hast du Loïc ?" J'ai tourné la tête, presque machinalement, et là...et là l'information est enfin arrivée à mon cerveau.IL n'était pas partit, IL était mort, IL était mort et ne reviendrait plus, c'était clair. Fini. Plus jamais je ne reverrai ce regard qui pétillait derrière ces lunettes, plus jamais je ne le verrai à la Place du Midi entrain de boire son ballon de blanc, plus jamais je n'entendrai son "Nom de tonnerre va !" que j'aimais tant. Plus jamais.
"Mein Grossvater ist gestorben." J'éclatais, enfin, pour la première fois. Je fondais littéralement, la douleur sortait de tous les pores de ma peau, et mes larmes salaient mes joues avec plus d'intensité que jamais avant cela. C'en était presque pathétique, mais je m'en fichais, j'avais mal. Ca devait sortir. Je me décomposais sur place. C'est comme s'ils m'avaient rammené à la réalité et que soudainement, eux, m'avaient fait comprendre que ce cauchemar était bien réel, que tout ça putain ça ne changerait pas.
Le soleil brillait, le vent soufflait, les lacs s'étendaient comme d'immenses miroirs sur le sol. Un spectacle magnifique mais qui ne voulait plus rien dire. Toi tu n'étais plus là et le monde était laid, très laid.